Du logiciel de contrôle d'Hadopi, de la Tivoisation et de nos libertés matérielles

où pourquoi le logiciel de "sécurisation" de la HADOPI ne doit pas exister ...

Depuis maintenant un an que la loi Création et Internet v2 a été votée, nous attendons toujours des décrets d’application permettant sa mise en œuvre, notamment celui portant sur la liste des logiciels dits "de sécurisation" que l’on devrait pouvoir installer pour protéger son ordinateur d’un usage illicite par un tiers.

Ingénieur de mon état et cofondateur du « garage des cinq gus de la Quadrature du Net », je sais que ce logiciel n’existe pas et ne peut pas exister pour les raisons détaillées ci-dessous.

Tout d’abord, il convient de définir les capacités nécessaires à ce logiciel de sécurisation. Afin de pouvoir exonérer un internaute de toute responsabilité sur son accès à Internet, il faut que ce logiciel vérifie tout ce qui entre et sort par cet accès à Internet et qu’il discerne ce qui est légal de ce qui ne l’est pas. En fait cette tâche est actuellement irréalisable : un contenu n'est pas en soi "légal" ou "illégal". Seul un usage peut être considéré comme légal ou illégal. Ainsi, si vous téléchargez sur le site d'un inconnu un fichier .mp3, ou si vous l'achetez légalement sur une plateforme de téléchargement, les protocoles utilisés et les contenus téléchargés seront a priori identiques. Il est donc impossible de discerner le contenu légal de l'illégal ! (J'exclus bien évidemment de cette réflexion les contenus manifestement illégaux tels les contenus pédophiles, certains livres interdits etc.).

Certains pourraient me rétorquer que des contenus échangés sur les protocoles peer-to-peer peuvent être considérés systématiquement comme illicites. Cela est impossible puisque ces protocoles servent aussi à échanger légalement de nombreux contenus (distributions Linux, conférence de Benjamin Bayart en vidéo etc.). Une interdiction générale serait une atteinte à la liberté de communication. Par ailleurs, cela ne résoudrait que la question des échanges utilisant le peer-to-peer, sans tenir compte des autres types d'échanges (streaming, direct download etc.).

Si l'on pousse un peu plus loin la réflexion sur cette tentative de restriction des échanges hors marchés entre internautes, on constate que seule une solution logicielle, légale et matérielle serait à même de répondre aux attentes de la Hadopi et des majors du films et du disque, perdus dans leurs modèles dépassés.

Il faudrait en effet :

sur le plan logiciel, que tout logiciel et système d'exploitation soit signé numériquement par une autorité de certification et qu'il ne permette que des usages légaux de contenus. Ses fonctionnalités devraient donc être validées manuellement, comme sur l'iPhone et l'iPad d'Apple ;

sur le plan matériel, que tout système informatique vérifie systématiquement la signature de tout logiciel utilisé ;

sur le plan légal, que ces protections soient rendues obligatoires par la loi et que leur contournement soit interdit.

Ainsi, on obtiendrait un monde idéal pour les majors du film et du disque qui pourraient contrôler tous les usages et tous les contenus échangés par Internet. Idéal, il ne le serait que pour les anciens modèles économiques, les conservateurs et autres tenants de l'immobilisme technologique. Rappelons qu'Internet et l'ensemble des logiciels et systèmes libres n'ont pu se développer que grâce à cette ouverture des normes et usages numériques. Sans eux, aucune des innovations de ces dernières décennies n'aurait pu voir le jour !

Si l'on pousse encore un peu plus loin la réflexion, ce monde numérique totalitaire est proche. Cependant, il prend un angle d'attaque inédit car ni les majors ni les États n'en sont responsables. Les responsables sont essentiellement les grands acteurs du numérique mondial ! Et voici leur histoire.

Histoire : les puces TPM, HDCP, Tivo, l'iPhone & l'iPad ...

Voici comment les différents systèmes matériels privateurs de liberté ont pris leur essor depuis une décennie.

Il y a quelques années, des puces apparues sur certains ordinateurs ont permis de vérifier la signature numérique de tout logiciel ou système lancé sur la machine. Sous prétexte de garantir la sécurité, elles permettent surtout d'interdire les logiciels ou systèmes qui ne seraient pas signés par telle ou telle autorité ! Ces puces sont appelées TPM (pour Trusted Platform Module), TPCM/Palladium ou encore TCG.

Si elles étaient systématiquement installées dans les ordinateurs, elles seraient une menace pour nos libertés numériques matérielles. Elles n'ont finalement été que rarement installées et je n'ai vu qu'une seule société utiliser ces puces pour valider son système, avec un succès mitigé. Jusque là tout va bien !

Plus tard, la norme vidéo haute définition étant arrivée à maturité, nous avons découvert une des normes de transmission vidéo utilisant les prises et protocoles HDMI. Cette norme, l'HDCP, permet d'imposer que toute la chaîne de diffusion matérielle (PC, Lecteur Blue-ray, carte vidéo, écran, voire ampli et enceintes !) soit capable de gérer des restrictions de droits numériques (DRM). En cas d'utilisation d'un matériel non certifié, la vidéo est alors diffusée en définition standard ! Ainsi, impossible d'enregistrer sur son magnétoscope ou de visionner un flux vidéo haute définition sur un périphérique non compatible ! Cette norme est actuellement peu ou pas utilisée. Cependant, la plupart des périphériques disponibles sur le marché l'intègrent, y compris certains décodeurs TNT ! Certes, nous n'en sommes pas encore à un usage généralisé et imposé légalement , mais la technologie se déploie... dangereusement ?

Avant dernier pas vers cette privation de liberté : la firme Tivo, grand constructeur américain de magnétoscopes numériques, fournit un matériel basé sur des logiciels sous licence libre (GPL), dont les sources sont donc disponibles. Très bien ! Mais lorsque certains utilisateurs ont souhaité modifier les fonctionnalités de ce matériel pour en améliorer les usages, ils ont déchanté : le matériel Tivo vérifie que le logiciel installé sur le magnétoscope numérique est signé numériquement par une clé appartenant à la firme : il n'y a aucun moyen d'utiliser un logiciel non validé par Tivo ! Bien que basé sur des solutions libres, le matériel prive ainsi l'utilisateur de la liberté de modifier l'usage de son matériel ! De ce périphérique verrouillé matériellement est né le terme de "Tivoisation", qui consiste à utiliser des logiciels libres sur un matériel verrouillé par le constructeur.

Ceci est le premier pas sérieux vers une privation de liberté d'usage des machines, mis en œuvre par Tivo, qui n'est ni un État, ni un major, simplement une société privée qui ne souhaitait pas voir d'usage non contrôlé de son matériel, pourtant acheté par ses clients.

Dernier pas dans la privation de la liberté matérielle : l'iPhone et l'iPad d'Apple. Par défaut, ces deux périphériques   beaucoup plus répandus que les magnétoscopes de Tivo   permettent uniquement l'installation et l'utilisation de logiciels reconnus et signés par Apple et vendus exclusivement sur l'apple-store ! Vous pouvez tous constater qu'aucun logiciel de téléchargement, d'échange peer-to-peer ou de partage de fichiers par Internet n'a été autorisé par Apple sur ses ordinateurs !

Certes, il est possible de "jailbreaker" (débrider) ces périphériques, contournant les restrictions d'Apple, mais pour combien de temps ? Par ailleurs, la complexité du jailbreak, notamment lors des mises à jour, rebute les moins technophiles d'entre nous.

Conclusion : la Tivoisation informatique, la troisième liberté

Concluons ce billet sur les libertés numériques... Vous qui connaissez le concept de logiciel libre, vous savez qu'il est important que ces logiciels existent : ils sont moteur de l'innovation par la possibilité de versions dérivées, créateur de formation par la lecture des sources et facteur de développement par leur capacité à être copiés et redistribués gratuitement. (Si vous ne pensez pas connaître de logiciel libre, vous avez surement entendu parler de Firefox, VLC ou OpenOffice : renseignez-vous sur ce qui fait qu'ils sont libres ;) ).

Vous avez aussi surement entendu Benjamin Bayart ou La Quadrature du Net vous parler de Neutralité du réseau Internet, de la nécessité de la liberté de communication et d'information et de la nécessité de disposer d'un réseau indifférent aux usages qui en sont faits.

Aux deux libertés numériques essentielles que sont donc la liberté logicielle (protégée par le copyright et les licences libres) et la liberté de communication (protégée, en France, par le code des postes et télécommunications), je vous propose de réfléchir à une troisième : la liberté matérielle. Cette dernière est certes moins visible (je n'ai trouvé aucun code la garantissant) puisqu'accessible à tous et présente par défaut dans la majorité des matériels numériques vendus à ce jour, mais qu'en sera-t-il demain ? Et quelles seraient les conséquences de sa disparition du fait de la généralisation de matériels verrouillés par les constructeurs ou par les États ? 

Un élément bidouillable de la fin du XXème siècle.

Prospective : du devoir de bidouillabilité

C'est donc sur ces propositions que je vous propose de nous quitter :

- Lorsque vous évoquez l'une de ces trois libertés : logicielle (libre), du réseau (neutre) et du matériel (détournable), évoquez si possible les deux autres. Elles sont si intimement liées que le destin de l'une influence beaucoup celui de l'autre, et que finalement chacune ne peut probablement pas exister sans les deux autres.

- N'achetez pas de matériel dont la bidouillabilité matérielle (la hackabilité) est nulle. J'ai un iPhone et je ne le conseillerais pas si ce dernier n'est plus jailbreakable.

(merci à S.S. et C.B.P.)

Commentaires

1. Le samedi 12 juin 2010, 19:52 par Arnaud Gomes

Et en l'état, est-ce que tu conseilles l'iPhone ? Ça me semblerait un peu dangereux.

2. Le samedi 12 juin 2010, 20:15 par Pi TAGOLE

Si même Benjamin, geek politiquement conscient, a cédé aux sirènes de Joli-qui-blingue de l'iPhone (mettant de côté les aspects éthiques), imaginez le péquin lambda !

On fait quoi d'ici-là ?

3. Le samedi 12 juin 2010, 20:22 par Benjamin Sonntag

@nono & @tagole : Je n'ai pas dis que je le conseillerais pour autant ;), mais à choisir, entre ça et d'autres plateforme smartphone qui ne seraient pas plus libre, il n'y a pas photo sur les aspects, non pas de bling bling comme on le dit souvent, mais sur l'avance en fluidité système et en ergonomie applicative ...

Par contre ce n'est pas le sujet ;)

Et pour ceux qui n'auraient pas vu, il y a 2 Benjamin sur ce blog ;) Benjamin Bayart, le président de l'association, et moi-même. Et nous sommes différents...

4. Le samedi 12 juin 2010, 21:03 par Ol

Allez, je me mets dans mon rôle de petit poil à gratter. Deux remarques. "aucun logiciel de téléchargement, d'échange peer-to-peer ou de partage de fichiers par Internet n'a été autorisé par Apple sur ses ordinateurs": quelle est ta source ? Le fait est que je n'ai jamais vu de client torrent sur iPhone, mais je me demande si il y a des cas de -refus- ou si c'est juste un cas que l'application n'a guère de sens. D'autre part, je trouve la formulation vague et trompeuse: bien sûr et heureusement qu'il y a des logiciels de partage de fichiers par internet et de téléchargement sur iOS (GoodReader, le client MobileMe, DropBox). Et si c'est le cas, quelle est la forme que cela prend dans le SDK terms & conditions ?



Ma deuxième remarque est sur la bidouillabilité: nous n'avons pas la même notion de la bidouillabilité :-) et je suis de plus en plus persuadé que si il faut lutter contre des plateformes comme iOS, ça ne sera pas en livrant le combat de la bidouillabilité. Ça le sera en livrant le combat des applications: pourquoi une telle avance en fluidité système et en ergonomie applicative ? Pourquoi n'existe elle pas dans le libre, et pourquoi cette avance se traduit du coup bêtement sous forme d'influence et (vilain mot) de part de marché. Pour moi ça la vraie question, et j'ai bien peur de voir de plus en plus des débats se focaliser sur des gros débats failces pour éviter de mettre sur la table les problèmes qui fâchent.

Bref, je pense que ce terrain est aussi glissant qu'important, et qu'il faut être irréprochable dans les faits pour vraiment marquer des points.

5. Le dimanche 13 juin 2010, 02:49 par aKa

Intéressant, Benji, ces trois libertés liées dont l'une ne doit pas faire oublier les deux autres.

Cela m'a fait penser aux trois couches de Lawrence Lessig (dans "L'avenir des idées") : La couche « physique » (ordinateurs, câbles, réseaux...), la couche « logique » (protocoles, logiciels...) et la « couche des contenus ».

A chaque couche son degré de liberté et ses conséquences.

Je me permets d'ajouter deux liens connexes et récents issus du Framablog autour de cette notion de liberté du matériel :
- Dis-moi si tu préfères bidouiller Arduino ou consommer iPad et je te dirai qui tu es
http://www.framablog.org/index.php/...
- Pourquoi je n'achèterai pas un iPad
http://www.framablog.org/index.php/...

Et pour aller plus loin, la liberté d'hacker la vie ;-)
http://www.framablog.org/index.php/...

6. Le lundi 14 juin 2010, 12:04 par Grunt

Concernant la liberté matérielle, elle est plus ou moins garantie par la loi, comme le rappelle ce post sur LinuxFR:
https://linuxfr.org/comments/812467...

Après tout, en y réfléchissant bien: un fabricant me vend un matériel, avec des entrées et des sorties (qu'elles soient numériques ou analogiques, destinées à un humain ou à un autre matériel). Moi, consommateur, je suis en droit d'avoir le manuel me permettant d'utiliser ce matériel, sans dépendre d'un matériel ou d'un logiciel tiers.
"Utilisez notre blob binaire", ce n'est pas un manuel digne de ce nom.
C'est potentiellement une vraie révolution, si on pouvait faire appliquer cette loi à la lettre: nVidia _doit_ fournir ses spécifications à ses clients. Idem pour les puces WiFi. Idem pour... le matériel qui gère les DRM. Ben oui, que le constructeur veuille vendre une boîte noire c'est une chose, mais la loi garantit à l'utilisateur la possibilité d'avoir un manuel lui permettant d'exploiter son matériel.

Concernant les DRM:
tout d'abord, il faut se souvenir qu' à l'heure actuelle, les DRM ne servent qu'à empêcher la lecture de contenu DRMisé. C'est le cas de HDCP: HDCP n'empêche pas d'utiliser un écran HD pour lire du contenu HD non-DRMisé, il ne contrôle que le contenu dont les auteurs ont décidé qu'il serait protégé.
C'est une nuance très importante: la gestion des DRM n'empêche absolument pas un usage normal (lecture en clair de contenu en clair). Ce sont des DRM "positifs": si ce n'est pas DRMisé, on peut le lire. Si c'est DRMisé, faut voir.
Il y a donc une frontière avec des DRM qui empêcheraient la lecture ou l'exécution d'un contenu ou logiciel "non signé", comme c'est le cas avec le matériel de Tivo, dans lequel la non signature empêche l'exécution. Là, le DRM est "négatif", il refuse ce qu'il ne connaît pas.

Le DRM positif ne pose pas de problème éthique: après tout, si on décide d'accéder à du contenu DRMisé, on accepte les règles du jeu. Le DRM positif n'empêche absolument pas le hack libre, il reste dans son coin comme une boîte noire dont on peut même se débarrasser. Tout ce qu'on peut lui reprocher est d'être vendu sur tout les matériels du même type:
impossible de trouver une carte graphique récente qui ne contienne pas la petite puce HDCP. Même si on veut lire des films libres en HD, et jouer à OpenArena, il faut payer sa dîme à Intel pour une puce dont on n'a absolument pas besoin.

7. Le lundi 14 juin 2010, 23:24 par Benjamin Bayart

Sur le fond du billet, je suis un tout petit peut moins négatif que toi. Effectivement, cette tendance lourde au verrouillage industriel progresse. Mais nos arguments sur les libertés progressent aussi. Je garde sur ce genre de sujet des principes basiques de mécanique à l'esprit: action et réaction. Si ces gens là réagissent si violemment, c'est que nous sommes puissants. Plus ils seront violents, plus ça voudra dire qu'on a progressé.

Là, je rejoint l'argumentaire de Grunt: nos politiques, pour peu démocratiques qu'ils soient, ne laisseraient pas passer un cas de matériel trop fermé (tu peux miser sur le fait que Tivo aurait des cheveux à se faire en France si l'April décidais d'attaquer, précisément sur le fait que le client est libre d'utiliser sa propriété comme bon lui semble). Du coup, le verrouillage que tu vois avancer à grand pas va se traduire par des phénomènes que je trouve très amusant: les contenus libres ou libérés (le DivX, quelle que soit la manière dont il est obtenu, ne porte plus de DRM) fonctionneront partout, et les contenus fermés ne fonctionneront que sur certains matériels et sous certaines conditions. Le marché fera le reste.

@Ol On est bien d'accord sur un point: pour faire plus de parts de marché qu'Apple, il faut faire un meilleur produit. Tout comme pour faire plus de parts de marché qu'Internet Explorer, il a fallu faire un meilleur navigateur.

Reste que, pour facile qu'il soit à démontrer, le problème d'atteinte aux libertés posé par la politique d'Apple est sérieux. C'est une des deux raisons majeures pour lesquelles je n'achèterai pas d'iPad (l'autre étant que je ne vois pas à quoi ça peut bien servir).

D'ailleurs, je ne comprend pas ce positionnement d'Apple. Enfin, si, j'en comprend des bouts (vouloir assurer le business d'Apple-Store). Mais il reste que diffuser via Apple-Store des logiciels permettant le porn ou le P2P ou la VOIP (pour citer les trois exemples classiques) ne réduirait pas le chiffre d'affaire d'Apple.

L'entrave à la VOIP ne peut pas se lire autrement que comme une entrave à la libre concurrence, et je prend les paris sur le fait que la Commission Européenne finira par s'y intéresser (avec 15 ans de retard, comme il est d'usage, temps administratif européen...),

L'interdiction du porn ne peut se lire que comme une atteinte (grave) à la liberté des utilisateurs. Ce n'est pas à mon fournisseur de matériel de choisir mes opinions.

@aKa Ravi de te lire ici :)

8. Le mardi 15 juin 2010, 04:24 par Racketiciel

Visiblement orange vient de sortir son logiciel de sécurisation et ont dirais bien qu'il n'est pas très sur.

9. Le mardi 15 juin 2010, 16:01 par gnuzer

@Benjamin Bayart :

"Si ces gens là réagissent si violemment, c'est que nous sommes puissants."

Marrant j'ai plutôt dans l'idée que c'est toujours nous qui réagissons et eux qui sont puissants. Il est quand même plus facile pour une grosse multinationale de mettre les politiciens et les magistrats dans sa poche que pour un petit groupe d'activistes de se faire entendre.

D'où le "retard administratif" pour traiter certains abus de pouvoir. Mais si la justice n'est pas pressée de s'intéresser à ce genre de cas, à mon avis c'est qu'il y'a une raison...

"Effectivement, cette tendance lourde au verrouillage industriel progresse. Mais nos arguments sur les libertés progressent aussi."

Je crains que nous ne ciblions pas le même "public" : le verrouillage industriel progresse sur un marché mondial, alors que nos idées ne progressent que chez ceux qui prennent le temps de s'y intéresser, et qui préfèrent la liberté au confort (ce qui déjà élimine pas mal de monde).

"pour faire plus de parts de marché qu'Apple, il faut faire un meilleur produit."

Je n'en suis pas convaincu. Ce n'est pas la qualité d'un produit qui fait sa popularité (depuis le temps ça se saurait), mais plutôt la quantité de pub qu'on balance dans la tronche des cerveaux disponibles entre le journal et le jeu télévisé...

"Tout comme pour faire plus de parts de marché qu'Internet Explorer, il a fallu faire un meilleur navigateur."

Si seulement c'était vrai...les stats d'utilisation seraient proportionnelles à la qualité des logiciels...

"D'ailleurs, je ne comprend pas ce positionnement d'Apple."

Y'a rien à comprendre... Steve Jobs est un hybride entre un opportuniste et un dictateur. Sa mission sur Terre n'est pas seulement de faire de l'argent, mais en plus de guider les fidèles de son Église vers le monde meilleur que ce bon petit père des peuples a conçu pour eux.

Une vision très différente des vrais capitalistes de chez Krosoft ou Google, qui ne cherchent qu'à faire de l'argent, rien d'autre. Steve Jobs ne sait pas encore que sa politique le perdra. Du moins tant qu'il y'aura de la concurrence.

10. Le mardi 15 juin 2010, 23:33 par Benjamin Bayart

@gnuzer

Je n'ai pas parlé de "qualité logicielle", qui est un concept que je cerne bien en tant que développeur (nombre de bugs, stabilité, performances, etc). J'ai parlé de "qualité du produit".

Pourquoi l'iPhone se vend si bien? Parce que les téléphones "avancés" de la génération précédente sont pourris, lents, moches, inutilisables. Les équipementiers sont à blamer, et le premier d'entre eux, Nokia, en tête. Pas tellement parce qu'ils ne savent pas développer: ils savent. Mais parce qu'ils ont accepté tous les compromis avec les opérateurs mobiles. Et je te bride ça, et je te rajoute telle brique spéciale, etc.

Au final? Le soft qui tourne sur ces téléphones a été tant de fois bricolé, tant de fois machouillé, par tant d'équipes marketing contradictoires dans le monde qu'il n'a aucune chance d'être utilisable. C'est même étonnant que ces engins arrivent à passer un coup de fil sans planter.

Ce dont je parle, c'est bien de qualité du produit, ce qui est très différent. Fermé, mal codé, en format propriétaire, mais qui marche suffisament pour ma belle-mère, c'est un bon produit. Algorithmiquement parfait, zéro bug, ouvert, codé propre, c'est un bon produit pour moi. Juste, je ne suis pas une part de marché intéressante. Moi, je reste de l'avis que la suite Office (MS ou Open, je ne fais pas une grosse différence) n'est pas un produit pour moi, et que par contre LaTeX marche très bien. Reste que je ne suis pas majoritaire :)

La part de la publicité n'est pas à négliger, mais ça ne fait pas tout. De la publicité pour des téléphones, ça fait 10 ans qu'on en mange. Y compris pour les usages des services data. Simplement, c'était parfaitement inutilisable avant l'iPhone pour le commun des mortels. C'est devenu utilisable, les gens s'en servent. C'est aussi simple que ça.

Enfin, sur le fait que les majors réagissent, je persiste également. Nous réagissons aux propositions de loi (par exemple), c'est entendu. Mais ces propositions de loi sont des réactions à ce qu'est Internet, à ce que produit Internet, donc à ce que nous faisons. Jamais ils n'auraient eu l'idée de mettre autant de verrous sans le réseau. C'est bien une réaction de leur part. Jamais ils n'auraient eu l'idée de faire une loi pour couper les accès Minitel des gens. C'est bien une réaction de leur part.

Et, si les puissants actuels, au lieu de dormir paisiblement sur leurs lauriers, se bougent autant, c'est parce qu'ils sont en danger. Plus ils bougent fort, vite et de manière désordonnée, plus ça montre qu'ils sont en danger. Vu la haute teneur en n'importe quoi intensif ces derniers temps, ils sont à deux doigts de la panique.

11. Le jeudi 17 juin 2010, 00:45 par gnuzer

@Benjamin Bayart

"Pourquoi l'iPhone se vend si bien? Parce que les téléphones "avancés" de la génération précédente sont pourris, lents, moches, inutilisables."

Qu'ils fussent pourris et lents, pour la plupart je suis d'accord. Inutilisables ça dépend : Symbian n'était pas trop mal (par rapport à Windows Mobile, certes, tout est relatif). Moches c'est une question de point de vue : À mon avis l'iPhone d'Apple n'est beau que parce qu'Apple a bien pris le temps d'expliquer à sa clientèle ce qui est beau.

Si ma mémoire est bonne des PDAphones potables ont commencé à émerger quelques mois avant la sortie de l'iPhone. Seulement ils n'ont pas bénéficié de la même couverture médiatique (Madame Michu ne sait même pas ce que c'est que ce préfixe "PDA", alors que "i", elle connaît : c'est ce qu'il y'a devant iPod, iMac et autres iTrucs).

"La part de la publicité n'est pas à négliger, mais ça ne fait pas tout."

Non, y'a le monopole aussi. La floppée de brevets qu'Apple a déposé autour de son "invention" pour écarter ses concurrents explique par exemple que ceux-ci en soient restés aux écrans résistifs malgré le constat que Madame Michu, c'est bien du capacitif qu'elle veut.

"De la publicité pour des téléphones, ça fait 10 ans qu'on en mange. Y compris pour les usages des services data."

Je ne suis pas d'accord. Avant l'arrivée de l'iPhone je faisais partie des rares extraterrestres à utiliser un PDAphone. Ces trucs là existaient depuis quelques années déjà et personne n'en avait entendu parler. Idem pour les services data : avant l'arrivée de l'iPhone on avait les mêmes forfaits attrape-couillons, chez le même opérateur, sur des téléphones différents. Le forfait de l'iPhone etait d'ailleurs l'un des moins souples et des plus restrictifs. Mais comme à l'époque il n'était vendu que bloqué...

Dans le commentaire précédent : "C'est une des deux raisons majeures pour lesquelles je n'achèterai pas d'iPad (l'autre étant que je ne vois pas à quoi ça peut bien servir)."

Faut pas chercher : ça ne sert à rien. Tout comme l'iPhone, présenté à tous comme étant un téléphone, adopté par la plupart des gens comme étant une console de jeux rigolote.
Pour que des millions de personnes claquent une fortune dans un truc inutile qui brille, il a bien fallu faire en sorte qu'ils ressentent le besoin de l'acheter. Sans grosse campagne de pub je me demande comment on aurait pu créer ce besoin.

Par contre je suis d'accord avec le fait que certains puissants paniquent : on l'a vu avec l'histoire du failware d'Orange : à chaque fois que qu'un pas en avant est fait en direction de la mise en application d'HADOPI, les responsables se prennent une claque magistrale par les internautes. Ma remarque s'appuyait juste sur ma nature parfois pessimiste pour mettre en doute l'importance/l'efficacité de cet impact que nous avons sur nos dirigeants.

12. Le jeudi 17 juin 2010, 10:10 par Loup Vaillant

@Gnuzer:

"nos idées ne progressent que chez ceux qui prennent le temps de s'y intéresser"

Pas sûr. Ma mère, par exemple, a décidé il n'y a pas longtemps qu'il valait mieux arrêter d'utiliser Facebook, après que mon frère et ma cousine lui ait expliqué sa nature de «concierge ultime». Ils ne sont pourtant pas spécialement libriste, et je n'ai guère eu à intervenir dans la conversation.

Je suis convaincu que les gens, tous les gens, apprennent progressivement. Ce coup ci, c'était sur la vie privée. Demain, ce sera l'indépendance et le choix du consommateur, et ensuite pourquoi pas les libertés publiques.