L'accompagnement de la révolution numérique: une chance pour la France ?

En vue de la table ronde sur la neutralité du net organisée par Fleur Pellerin le 15 janvier 2013, son cabinet m'a proposé de lui faire part de mon point de vue. A cette fin j'ai essayé d'éclaircir, autant pour mon usage personnel que pour qui voudra, mes idées sur cette notion complexe.


La "neutralité du Net" est à la mode. Pourtant, quelle qu'en soit la source, la définition de ce concept reste - au mieux - floue: un Internet neutre serait "un simple tuyau qui ne discrimine ni ne modifie les données qu'il transporte". L'objectif étant à la fois technique (éviter une balkanisation du réseau) et politique (garantir un certain nombre de droits à l'internaute).

La neutralité, ça n'existe pas

Pourtant, quel que soit celui de ces deux principes que l'on observe, il faut constater qu'il se heurte à la réalité:

  • Tout opérateur (FAI, FSI, université, entreprise...) établit des politiques de routage. En fonction de la source des données, du prix du transit, des usages de ses utilisateurs ou encore de la sécurité de son réseau, le choix du "tuyau" est au coeur du métier d'un opérateur Internet. Le protocole standard utilisé pour informer le reste du réseau de la route à utiliser pour atteindre tel ou tel point (BGP) est conçu justement pour permettre à chacun de définir sa propre politique. Par sa nature même de "réseau des réseaux", Internet est discriminant: on préfèrera souvent, toutes choses étant égales par ailleurs, la route la moins chère à la route la plus courte. De même qu'on préfèrera proposer une donnée stockée localement plutôt que son original - même si ce dernier est plus à jour que sa copie (on pense ici au principe des CDN, mais aussi par exemple à la copie de Wikipedia proposée par Orange à ses utilisateurs).
  • Une des causes du succès d'Internet vient de son a-centrisme: l'intelligence réside à ses extrémités plutôt qu'en son centre et tout ordinateur relié à Internet peut devenir un serveur autant qu'un client. C'est ce principe qui a permis une explosion d'innovations et de nouveaux services, l'accès au rang de "serveur" n'étant limité ni par la puissance financière ni par une obligation d'autorisation préalable (comme c'était le cas par exemple du Minitel et de Transpac, réseau centralisé par excellence). Or, depuis l'explosion du marché de l'accès à Internet, l'utilisateur final n'a cessé d'être de plus en plus marginalisé: l'asymétrie des débits d'émission et de réception rend illusoire la mise en place de services débutants à très faible coût, et tend à centraliser l'intelligence là où se trouve déjà la puissance financière, et jusqu'à un point dangereux pour les droits fondamentaux et pour les équilibres financiers. La première des atteintes à l'objectif de neutralité est l'asymétrie des débits.

Internet n'est donc neutre ni du point de vue technique, ni du point de vue politique. Il ne l'a jamais été.

Vrais problèmes et fausses réponses

Ce constat étant posé, l'objectif de neutralité n'en reste pas moins important. L'évolution actuelle crée une dérive dont nous avons des exemples presque quotidiens: développement à outrance de quelques multinationales dont la toute-puissance devient dangereuse tant pour les libertés fondamentales que pour les économies nationales (Google, Facebook, Amazon et Apple), transformation de l'utilisateur final en simple client soumis aux choix de son opérateur (voir l'exemple très récent du filtrage de la publicité par Free), innovation artificiellement limitée ("éditorialisation" des logiciels disponibles sur l'appstore d'Apple, filtrage des protocoles concurrents en VoIP), politique commerciale opaque (tarifs de roaming IP abusifs, lutte Google/Free sur le peering payant qui pénalise les utilisateurs, ralentissement de la 3G en fonction du volume consommé)...

Force est de constater que le marché seul semble désormais incapable de garantir les libertés minimales du citoyen numérique. Pour autant - et les exemples récents des Pays-bas et de la Slovénie le montrent bien - une législation qui ne serait basée que sur la seule affirmation du principe de neutralité, toute symbolique qu'elle soit, n'aurait que peu d'effets: forcément très technique, autorisant les atteintes à la neutralité "pour les besoins du service" en fonction des technologies existantes (en ignorant celles de demain), elle limiterait l'innovation en sanctuarisant la structure présente (et fort peu neutre) du réseau tout en ignorant les causes réelles des différents problèmes qu'on a enterrés sous ce dogme unique de "neutralité".

Internet pourrait être "légalement" neutre tout en étant plus rien qu'une couche de transport entre des "appstores" centralisés, relevant d'une fiscalité privilégiée et soumis à une censure commerciale, d'une part, et des terminaux (mobiles ou non) aux fonctionnalités limitées et sous le contrôle total de leur distributeur d'autre part. Si on se limite à ce seul principe en oubliant les problèmes sous-jacents, on ne résoud absolument rien.

Que cherche-t-on exactement ?

Qui doit payer l'infrastructure de coeur de réseau ?

Dans une économie toujours plus centralisée, dont les revenus partent vers des services de moins en moins respectueux de la vie privée, au détriment tant de l'utilisateur final que des intermédiaires techniques qui la mettent en place, le principe historique qui voulait que ce soit celui qui voulait accèder au contenu qui devait financer la liaison est fortement remis en cause. Du fait de l'asymétrie des débits, l'utilisateur a tout intérêt à placer les données auxquelles il veut avoir accès rapidement "dans le cloud": que ce soit ses vidéos, sa musique ou ses billets de blog, la délocalisation des données de l'utilisateur impliquera d'avoir toujours plus de centralisation et toujours moins de contrôle tout en payant toujours d'avantage pour des "tuyaux" de moins en moins publics (puisque ne desservant plus que quelques services "géants du net").

Au delà du contrôle des autorités de la concurrence et des télécommunications, la seule réponse pérenne à cette question ne pourra venir que d'un rééquilibrage du flux des données. Or il se trouve que la technologie le permet: la fibre optique (dans sa version FTTH seulement) permet d'obtenir des débits montants et descendants équivalents, et de très grande capacité.

En créant une infrastructure nationale à très haut débit, on verra de plus en plus de services se créer, sur l'entièreté du territoire national, en périphérie du réseau plutôt qu'en son coeur. Un utilisateur pourra ainsi choisir de conserver ses données à domicile sans limiter la capacité d'y accèder de n'importe où. Les nouveaux services qui pourront ainsi voir le jour créeraient - pour les opérateurs - une attractivité nouvelle qui leur permettraient de retrouver des marges de négociation pour le financement des liaisons de coeur de réseau (les contenus auto-hébergés créant une demande montante plutôt qu'uniquement descendante).

Ce type d'infrastructure, au delà du seul aspect de l'aménagement du territoire, aurait une influence plus que conséquente tant sur l'économie nationale (la possibilité retrouvée de créer des services débutants pour un coût initial quasi-nul donnerait un véritable coup de fouet à la croissance numérique) que sur les questions de vie privée et de contrôle de l'information. Il limiterait l'exil des données et mettrait un coup de frein au développement démesuré d'une poignée de géants supranationaux tout en favorisant le retour à un contrôle personnalisé des données privées.

On notera pour le principe que des lois comme DADVSI ou HADOPI, qui ont favorisé quelques services de streaming centralisés au détriment du partage décentralisé en peer-to-peer, ont eu une influence exactement opposée à ce cercle vertueux sans pour autant rapporter quoi que ce soit à ceux qu'elles voulaient protéger.

Comment garantir l'accès à l'information et à la liberté de communication ?

1/ Des lois basées sur des principes plutôt que sur des technologies

Bien que les plus hautes instances (Conseil Constitutionnel, Conseil de l'Europe) aient rappelé que les principes de liberté d'expression et de libre circulation de l'information étaient des droits fondamentaux, on ne peut que constater qu'ils sont très mal protégés par notre droit national.

La liberté d'expression - quoique garantie par la constitution - ne relève pas du droit de la personne: l'atteinte à ce droit n'est réprimée que par l'article CP 431-1 et relève des crimes et délits contre la nation. L'usage de ce texte, pour un simple particulier dont l'expression aurait été censurée par un intermédiaire technique en dehors d'une décision judiciaire, n'est pas aisé (et à ma connaissance il n'existe aucun cas où un juge aurait été saisi d'un tel cas, alors que les exemples abondent). Or la réaffirmation de ce droit - par exemple en en traitant au sein du livre II du code pénal - serait un symbole fort: aujourd'hui il suffit de menacer un intermédiaire (sous prétexte de diffamation ou d'atteinte au droit d'auteur par exemple, quand il ne s'agit pas tout simplement d'une décision "éditoriale" du service commercial d'un monopole comme Apple aujourd'hui sur son AppStore ou Microsoft demain sur le sien) pour faire taire quelqu'un sans aucun risque ni pour le demandeur ni pour l'intermédiaire.

Alors qu'Internet permet - pour la première fois dans l'histoire - la liberté d'expression pour tous, aucun texte législatif n'en a pris la mesure en permettant un accès simple à la justice pour le simple citoyen qui aurait vu ce droit bafoué. Pourtant, une telle mesure permettrait de rétablir un peu l'équilibre des pouvoirs entre les grandes entreprises et le particulier. Elle redonnerait à elle seule un peu de sens à la notion de neutralité en évitant que celle-ci ne soit au final qu'à l'unique bénéfice des plus puissants, en réaffirmant un grand principe plutôt qu'en ne traitant que d'un symptome technique ponctuel.

2/ Sortir de solutions inadaptées pour aller vers l'égalité des citoyens

Pour aller plus loin, enfin, en reconnaissant que l'évolution technique a transformé radicalement le paysage de la communication, que penser d'une législation qui traite des droits et des devoirs de tout un chacun à l'intérieur d'une loi dont l'objet n'était que de traiter d'une profession particulière (celle de la Presse) ? Pour quelle raison (par exemple) le secret des sources de celui qui exerce la profession de journaliste serait plus important que celui du simple blogueur qui voudrait dénoncer un scandale local, alors même que leur responsabilité serait la même en cas de diffamation (pourtant réprimée au sein du même texte de loi) ?

De même, vouloir que le simple citoyen relève du droit de l'audiovisuel (et pourquoi pas de l'autorité du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) lorsqu'il use de son droit fondamental à la liberté d'expression n'a guère de sens dans le cadre d'une communication ouverte à tous: devenu un media audiovisuel à part entière, Twitter - par exemple - devrait-il faire respecter la parité des temps de parole en période électorale ? L'inadaptation du droit de la communication - dispersé de surcroit dans des textes multiples et parfois même contradictoires - est patente. Le Conseil d'État, dans un rapport datant de 2006, a présenté l'inventaire complet des éléments relevant de la communication: il serait temps de reprendre enfin ce travail fondamental.

Ici encore, c'est tout le sens du mot "neutralité" qui reprendrait son importance si aucune discrimation n'existait entre l'expression du simple citoyen et celle de celui qui en fait profession. La réintégration du droit de la communication au sein du droit commun est sans doute un chantier d'envergure, mais au delà de la simplification et de la prise en compte de la convergence numérique c'est aussi l'occasion de réaffirmer des grands principes et de rétablir les équilibres que sous-tend la notion de "neutralité du net", bien au delà du seul symbole.

3/ Développer un plan ambitieux plutôt que des rustines légales

Comment garantir qu'un intermédiaire n'usera pas de DPI pour filtrer ses concurrents sous prétexte de fluidification de son réseau, comment favoriser l'émergence - très couteuse - d'une infrastructure nationale en FTTH, comment protéger l'expression du simple citoyen face à des intermédiaires qui n'ont d'autre objectif que celui du résultat financier ?

La fiscalité du numérique est encore balbutiante, et les différents chantiers ouverts sur ce sujet sont loin de répondre à toutes les questions. De nombreuses pistes ont été avançées (taxe sur la publicité en ligne, taxe sur l'utilisation des données personnelles...) sans faire encore l'objet de proposition concrète. En parallèle, les fournisseurs d'accès, du fait de leurs offres "multiplay", font l'objet de taxes toujours plus nombreuses (COSIP, rémunération pour copie privée, mais bientôt peut-être taxe pour financer la Presse, la culture ou - un jour peut-être - licence globale).

Le Conseil Constitutionnel ayant inscrit la liberté d'accès à Internet au nombre des droits fondamentaux, pourquoi ne pas proposer aux opérateur la participation à un service public de la fourniture d'accès, reposant sur le respect d'un cahier des charges à minima, défini par une règlementation claire et imposant - en échange pourquoi pas d'une fiscalité moindre et de garanties de stabilité sur le long terme - un calendrier de déploiement de la technologie FTTH réaliste mais ambitieux ?

Les opérateurs qui choisiraient de relever d'un tel statut seraient du même coup protégés par la loi contre toute mise en cause sur les contenus transportés (puisque relevant de leur mission de service public), loi qui leur imposerait une totale neutralité de ces contenus, sans aucune intervention de leur part sous peine de perdre les droits afférents au statut de "fournisseur de liberté de communication". Le cahier des charges pourrait, de même, imposer la création de forfaits d'accès à Internet "nus" - hors triple ou quadruple-play, prévoir des tarifs sociaux pour les moins privilégiés, et imposer la possibilité pour l'utilisateur de choisir d'avoir un débit symétrique en SDSL plutôt que le seul ADSL, en attendant la fibre optique pour tous (à ma connaissance seul OVH le propose à ce jour, mais rien n'empêche techniquement le développement d'une offre de ce type, voir même d'un ADSL "inverse" - si la technologie le permet - et qui offrirait la possibilité de préférer l'émission de données à la réception). Ce cahier des charges pourrait être revu à chaque fois que nécessaire par décrêt, et suivrait ainsi l'évolution des techniques bien plus efficacement que des lois trop focalisées sur un état des lieux ponctuel.

En établissant - comme celà semble normal - la charge des taxes concernant la création sur les diffuseurs (télévisions, mais aussi services en ligne de diffusion: Youtube, Dailymotion, Apple...) plutôt que sur le fournisseur de l'accès à Internet (qui n'y gagne que de façon très indirecte des parts d'un marché forcément limité par la population du pays, alors que le diffuseur peut augmenter son marché publicitaire sans limitation de frontières), l'État n'y perdrait rien mais rendrait aux opérateurs choisissant de relever d'un tel statut des marges de manoeuvres financières conséquentes (la seule TST représentait plus de 630 millions d'euros en 2011), tout en les incitant à se recentrer sur leur coeur de métier et en leur permettant d'investir plus rapidement dans le déploiement d'une infrastructure dans laquelle tous seraient gagnants: le citoyen verrait ses libertés garanties, le territoire serait plus équitablement aménagé, l'économie nationale y gagnerait une multitude de possibilité de créations d'entreprises, et le futur d'un Internet décentralisé serait beaucoup moins menacé qu'aujourd'hui.

Il est temps que la France prenne enfin la mesure de l'enjeu qu'est cette troisième révolution industrielle en lançant enfin un grand plan de développement du numérique.

Commentaires

1. Le jeudi 10 janvier 2013, 16:33 par Averell

Bonjour Laurent, Bonjour FDN, Bonjour le monde !

Je te rejoins sur le fait que la dissymétrie est une entorse grave à la neutralité du net, mis ce n'est pas la seule. Cela ne sert à rien d'avoir un débit symétrique important si derrière on a une adresse non routable RFC 1918. Déjà n'avoir qu'une seule adresse IP et être obligé de faire du NAT rajoute une couche de complexité importante sur l'acentrage des services. C'est déjà pas évident de monter un serveur, mais si en plus on doit se fader la configuration du routeur pour laisser passer les services, on n'est pas prêts de voir arriver des services réseau plug&play type nobox.

Je suis d'accord sur le fait qu'il faille plutôt mettre en avant une politique de principe que de se focaliser sur quelques technos, mais on va avoir du mal à s'en passer : il faut effectivement déployer le FTTH (ou de manière plus générale le haut débit symétrique), mais il faut également favoriser le déploiement d'IPv6, et favoriser la distribution de /64. Et je ne sais pas comment on peut ramener ces réalités techniques sur le terrain des principes politiques, sans obérer l'avenir (faudrait pas qu'on se retrouve coincés quand il faudra imposer IPv7).

Bon, d'un autre côté, l'arrivée d'IPv6 devrait être inéluctable maintenant que les adresse v4 se raréfient, mais de ce que je vois arriver, on va rester avec une seule adresse (déjà que quand les FAI donnent une plage, le /64 pourtant dans la norme est rare), mais en plus les box font quand même du NAT en IPv6... Et le bridage du débit montant ou le NAT, même combat !

2. Le jeudi 10 janvier 2013, 21:44 par obinou

Juste quelques remarques:

"Or il se trouve que la technologie le permet: la fibre optique (dans sa version FTTH seulement)" => (dans sa version P2P seulement) .
C'est le GPON qui est par nature assymétrique (basé essentiellement sur le multiplexage temporel).
Encore que techniquement on peux aisément le rendre symétrique: Il suffit de limiter artificiellement la bande passante descendante à celle montante... :-)
A long terme, le WDM-PON devrait être en mesure de lever ce "problème".

"et imposer la possibilité pour l'utilisateur de choisir d'avoir un débit symétrique en SDSL plutôt que le seul ADSL"

En pratique c'est pas si simple:
Très souvent les débits en SDSL sont assez ridicule: Ya pas de miracle, faut bien prendre sur une bande de fréquence ce qu'on attribue dans l'autre sens. C'est pour ça qu'en SDSL on groupe souvent plusieurs paires (la même idée que feu le RNIS).

L'idéal serais de pouvoir choisir (idée de l'ADSL "inverse") . mais là, le problème est double:
1) Normalisation: Les normes ADSL ont été conçues dès le 1er jour dans une optique "minitel", et ça transpire jusque dans les normes techniques de l'ITU.
Changer de sens implique une nouvelle norme , et des nouvelles certifications, du nouveau matériel coté DSLAM et CPE... Tout ça pour une techno dépassée ! (Le problème est moindre pour le passage ADSL => ADSL2/2+/... . Par contre il est similaire pour le VDSL, qui est lui assez différent).

2) Techniquement parlant , l'un des plus gros problèmes de toutes les technologies DSL c'est la perturbation des paires entre elles. Ce point à fait l'objet de très nombreuses publications, tests, essais en grandeurs, ...pour arriver à un truc qui marchote à peu près quand il fait beau et qu'il n'y a pas de transfo HF ou de radios qui rayonne sur la ligne (*).

Or, inverser les débits implique (dans la techno actuelle) de faire envoyer par le CPE des signaux plus puissants sur une fréquence plus élevé. Et ça c'est de nature à mettre en péril la synchro toute les lignes adjacentes.
(Oui, le *DSL est immonde, on le dira jamais assez)

(*) Il existe des recherches sur la vectorisation VDSL , pour palier un peu ce problème là , mais dans tous les cas les lignes > à 2km sont hors course.

Non, la fibre (en FTTH) est LA solution de long terme. Même en *PON: A long terme on en viendra au WDM-PON, ce qui résoudra les problèmes de symétrie et de partage de ressources temporelles.

Rien à dire sur le reste, à savoir un status juridique particulier et protégé des FAI pure-player qui acceptent de jouer le jeu.
Il va sans dire que actuellement, les ayants-droits font un lobby d'enfer pour faire exactement l'inverse: responsabiliser au maximum les intermédiaires pour avoir des gens "bankable" à assigner au tribunal, plutôt que la situation actuelle qui consiste à mettre en place à leurs frais un système de surveillance massive pour en tirer au mieux 150 euros par ans.

D'autre part, les FAI nationaux sont aussi contre ce "plan", eux qui ne veulent absolument plus être considéré comme des tuyaux, mais comme des intégrateurs de services, bien plus lucratif.
En terme purement technique, on voit des opérateurs comme Free qui refusent de venir sur des zones aux NRO trop petits, on constate une opposition violente à tout ce qui est AON (et qui pourtant est la seul mode de déploiement en mesure de créer une infra réseau *et IP* réellement acentrée, mais qui est snobé par quasiement tous les grands opérateurs).

Mais tout ça ce n'est que des mots. Car le problème majeur est le manque de collecte maillé , en région: Le réseau français est une sorte d'arbre, avec 5 points centraux sur le territoire. Ceux qui contrôlent ces points n'ont pas du tout envie d'un réseau vraiment maillé en France (maillé ET symétrique), et ça comprends la police (qui en ce moment outrepasse largement son rôle , selon moi)

Donc à moins que tout les français soient touché soudain par l'illumination divine et comprenne qu'il est dans leur intérêt d'essaimner des projets B4RN partout, on va lentement s'enfoncer dans la médiocrité et le suivisme numérique, avec une poignée grosses sociétés qui prendront leur obole à chaque nouveau service (inventés ailleurs, donc, car en france ce qui sort des chemins établis est combattu ardament)

3. Le jeudi 10 janvier 2013, 23:18 par Florent

J'ai plaisir de lire que la question du débit (montant) une question importante. Quand j'entends free qui dit que la fibre c'est pas intéressant car c'est juste pour que les gens regarde de la télé en HD, je souhaiterais lui répondre qu'avec un débit si asymétrique dans la fibre on a forcément des consommateurs de télé.
Il faut que le gouvernement oblige à ce que dès que l'on installe une fibre c'est du symétrique par défaut. Après le FAI il met le débit qu'il veux mais techniquement l'asymétrie est une connerie chez la fibre.
J'irais bien jusqu'à exiger le symétrique sur VSDL et le câble mais je lis ici que cela ne sert guère pertinent techniquement.

Après je suis assez inquiet du court-termisme dans les infrastructures: on ajoute NRA mais je doute qu'ils soient prévus pour accueillir la fibre ou en facilitér sa transition. On fait des travaux pour refaire une rue résidentielle/ changer les tuyaux de plomb mais jamais on pense à prendre un mois de plus pour installer des fourreaux.

4. Le vendredi 11 janvier 2013, 00:46 par RyDroid

Petite coquille : "exemple en en traitant".
Si seulement les gens lambdas s'intéressaient à ces questions... Malheureusement, au moins 50% s'en fout et au maximum 5% du reste fait vraiment quelque chose.
J'espère que vos bonnes paroles seront entendus.

5. Le vendredi 11 janvier 2013, 11:48 par OlivierAuber

Excellent ! Un détail cependant qui peut avoir son importance : il me semblerait utile de préciser un peu plus ce que l'on entend par "symétrie". En effet, les non-techniciens imaginent intuitivement que "symétrie" est synonyme de "égalité du débit montant et descendant", or cela va beaucoup plus loin ! La symétrie est aussi et peut-être surtout une affaire de protocole réseau !

Quand Vint Cerf affirme que “l’Internet est symétrique” pour justifier la prétendue “neutralité du net” à la mode Google, ICANN, etc., je crois qu’il pense sincèrement ce qu’il dit : l’internet est effectivement POTENTIELLEMENT symétrique, car il recèle en lui toutes les ressources pour qu’il le devienne effectivement. Charge aux acteurs de les mettre en œuvre. S’ils ne le font pas, qu’ils ne viennent pas se plaindre de la domination de Google qui tire précisément partie de l'asymétrie du net!

Un manière d'expliquer cela aux non-techniciens pourrait être la suivante :

L’internet tel que nous le connaissons jusqu’à présent, met essentiellement en œuvre des protocoles asymétriques dits “Unicast”, qui font qu’il est nécessaire, dès lors que l’on veut réaliser une interaction “tous-tous”, de mettre en place un nœud d’interconnexion particulier qui se charge de “l’aiguillage”. Selon le principe de la “loi de puissance”, c’est évidemment le plus “gros nœud” qui l’emporte car il permet de mettre en relation le plus de monde possible.

Dans ce jeu basé sur un protocole asymétrique, “the winner takes all” à tous les coups (Google, Facebook, Twitter, etc. chacun dans leur genre) au point qu’au bout d’un moment, plus personne n’a envie de jouer.

Or, il existe aussi des protocoles symétriques sur l’internet (Multicast, overlay, etc.), qui permettraient de mettre en relation tous avec tous sans l’intermédiaire d’aucun centre particulier si ce n’est l’internet lui-même dans sa globalité. Malheureusement, ces protocoles réseau ne sont pas (ou peu) rendus accessibles au public par les FAI, opérateurs et autres CDN (Content Delivery Networks) qui les gardent pour eux jusqu’à présent.

Ainsi, ces acteurs se condamnent (et nous condamnent aussi) à jouer à un jeu où ils perdent à tous les coups (et nous aussi). Comme le dénote la récente escarmouche entre Free et Google, la profitabilité des transporteurs de paquets est bien inférieure à celles des “nœuds” (Goggle, etc.) et autres gigantesques entrepôts de données que les protocoles essentiellement asymétriques rendent absolument nécessaires. Notons aussi que nous, simples utilisateurs, nous perdons aussi car nos données personnelles sont aspirées dans des puits sans fond sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir…

Bref, pour sortir de cette spirale dépressive qui centralise toute l'innovation et la puissance économique entre les mains de quelques acteurs, il faudrait un jour que les usagers aussi bien que les opérateurs et autres, prennent conscience qu’un autre internet est possible : un internet symétrique ! (au sens des débits et des protocoles)

Dès lors, l’internet pourrait être un peu plus “neutre” qu’il n’est à présent puisqu’il ne favoriserait plus automatiquement les positions dominantes et l’avenir cesserait de sembler écrit à l’avance.

C’est le thème d’une petite table ronde qui aura lieu à la Cantine le 1er février de 18 à 21h en liaison avec l'IES (Internet European Society) suite à ce billet d’humeur :

http://perspective-numerique.net/wa...

Ceux que cet angle de réflexion intéresse sont cordialement invités. Nous aviserons sur la meilleure formulation de ces idées et sur la manière de les populariser.

6. Le samedi 12 janvier 2013, 04:22 par Philippe-Charles Nestel

Bienheureux concours de circonstances où sur la liste du Front de gauche du numérique libre nous commentions les analyses d'Olivier Auber,de Laurent Chemla, de Benjamin Bayart et que je retrouve ici réunis. C'est comme si les univers affectifs de l'amitié, du questionnement intellectuel, et du politique se télescopaient.

Quelques commentaires morcelés.

1. La notion de "neutralité du net", contrairement à certaines opinions trop répandues, ne découle pas seulement de la technique, mais également du droit. C'est Tim Wu, un professeur de droit à l'université Columbia qui en a en popularisé le concept en 2003 .

2. Ses principes ont été institués pour la première fois dans l'un des textes fondateurs de la globalisation multilatérale : l'annexe sur les télécommunications de l'AGCS.

"L'expression “service public de transport des télécommunications” s'entend de tout service de transport des télécommunications qu'un Membre oblige, expressément ou de fait, à offrir au public en général. De tels services
peuvent inclure, entre autres, les services télégraphiques et téléphoniques, le télex et les services de transmission de données qui supposent d'une manière générale la transmission en temps réel d'informations fournies par le client entre deux points ou plus sans qu'il y ait modification quelconque de bout en bout de la forme ou du contenu des informations en question."
...
Chaque Membre fera en sorte que les fournisseurs de services de tout autre Membre aient accès à tout réseau ou service public de transport des télécommunications offert à l'intérieur ou au-delà de la frontière dudit Membre, y compris les circuits loués privés, et en aient l'usage et, à cette fin, il fera en sorte, sous réserve des paragraphes e) et f), que ces fournisseurs soient autorisés à:
...
interconnecter des circuits loués ou détenus par le secteur privé avec des réseaux et services publics de transport des télécommunications ou avec des circuits loués ou détenus par un autre fournisseur de services; et
...
utiliser des protocoles d'exploitation choisis par le fournisseur de services, dans la fourniture de tout service, autres que ceux qui sont nécessaires pour que les réseaux et services de transport des télécommunications puissent être mis à la disposition du public en général.
...
prescriptions, dans les cas où cela sera nécessaire, pour garantir l'interopérabilité de ces services et encourager la réalisation des objectifs énoncés au paragraphe 7 a

Réf : http://www.wto.org/french/tratop_f/...

On retrouve là à peu près les principes (clairement énoncés ou appelant à la muette à les énoncer) de la neutralité des réseaux ; y compris de l'interopérabilité.

3. Pour autant la technique n'est pas neutre. Le prouve par exemple le choix technique de l'ADSL qui relevait d'un choix idéologique et économique. L'Asymmetric Digital Subscriber Line déséquilibre par définition le rapport entre l'upload et le download, au bénéfice de ce dernier.
De la même manière l'AGCS s'inscrit dans une volonté politique et économique de destruction à l'échelle mondiale des services publics et du bien commun couplée à son petit frère jumeau : les accords ADPIC sur l'escroquerie sémantique qui a pour nom : propriété intellectuelle.

4. Doit-on pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ?

Certes non. Quand Fleur Pellerin annonce la mise à mort de la neutralité du net qui "est un concept américain qui a tendance à favoriser les intérêts éco d'Apple, Google et consorts", quand Bercy botte en touche et fait rentrer la neutralité du Net dans les discussions à venir sur la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Arcep" ; quand se met en place de la mission Lescure (mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'heure du numérique) confiée par Aurélie Filippetti ; face au lobbying de la Société civile des producteurs phonographiques qui plaide pour que l'Hadopi demande aux FAI de faire du filtrage DNS ; sans oublier le silence assourdissant de Fleur Pellerin et de tous les autres membres de ce gouvernement sur l’affaire Amesys (Libye) ou l’affaire Qosmos (Syrie); alors nous devons nous battre pour loi sur la neutralité du net, mais pas que...

Cette neutralité ne doit pas seulement servir le droit au commerce d'une concurrence libre et non faussée d'un Internet qui est devenu une galerie marchande. L'Internet doit redevenir un bien public, une chose commune, telle que le définit le code civil, dans l'Article 714, créé par Loi 1803-04-19 promulguée le 29 avril 1803 :
"Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous.".
http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

La liberté d’expression sur Internet doit être garantie comme un droit incessible et inaliénable. Mais que serait ce droit, sans l'égalité de traitement où seuls les puissants peuvent se faire entendre ? Cette loi sur la neutralité du net doit également s'accompagner d'un déploiement par l'Etat et en partenariat avec les FAI de technologies restituant de la symétrie : fibre optique jusqu'au domicile, protocoles symétriques sur l’internet (Multicast, overlay, etc.), qui permettraient de mettre en relation tous avec tous sans l’intermédiaire d’aucun centre particulier (copié/collé sur le texte d'Olivier Auber qui explique ailleurs que les grands opérateurs utilisent ces utilisent ces technologies en interne mais ne les ouvrent pas au public).

Garantir l'accès à l'information présuppose l'interopérabilité des formats de fichiers. Il n'est pas normal que l'Etat diffuse des informations dans des formats de fichiers privateurs qui nécessitent l'achat de logiciels privateurs pour y accéder. La loi sur la neutralité du réseau doit s'accompagner d'une réflexion globale sur ce que l'on appelle "numérique". Le référentiel général d'interopérabilité est à revoir. S'il ne relève pas stricto sensu de la neutralité du FAI, l'interopérabilité est une condition nécessaire à l'égalité des droits d'accès pour tous à l'information.

Et en marge de la neutralité des réseaux, mais concernant l'égalité des droits d'accès pour tous à l'information publique, il importe que le droit sui generis sur les bases de données soit aboli et pour le moins, à court terme que l'Etat prenne l'engagement d'ouvrir ses données publiques sous une licence de type copyleft ; la seule qui pour le moment qui existe : la licence ODbL.

Enfin, dernier point,et toujours en marge de la neutralité du réseau mais connexe, comme l'a rappelé avec force et véhémence Richard Stallman, la souveraineté des peuples est conditionnée à l'ère du numérique par la souveraineté informatique. Les technologies dites du cloud computing, de l'informatique comme SaaS, créent des conditions asymétriques entre les puissances économiques et les citoyens. Il importe de restituer un service public de l'Internet qui ne concerne pas seulement les tuyaux mais également les machines et les logiciels :

"La souveraineté et la sécurité informatiques d’un État supposent le contrôle de l’État sur les ordinateurs effectuant des tâches de son ressort. Cela exige d’éviter le logiciel en tant que service (SaaS), à moins qu’il ne soit géré par une agence de l’État. (Cependant, pour respecter la séparation des pouvoirs, les travaux informatiques des services relevant respectivement de l’exécutif, du législatif et du judiciaire ne doivent pas être confiés à une agence relevant d’un autre pouvoir.) Plus généralement, cela exige d’éviter toute pratique qui diminuerait le contrôle exercé par l’État sur son informatique.

Tout ordinateur utilisé au service de l’État doit avoir été acquis ou loué par une entité relevant du même « pouvoir » (exécutif, législatif ou judiciaire) que l’administration utilisatrice ; aucune entité extérieure à ce pouvoir ne doit avoir le droit de décider qui a accès à l’ordinateur, qui peut en effectuer la maintenance (matérielle ou logicielle), ou quels logiciels doivent y être installés.
Si l’ordinateur n’est pas portable, alors il doit être utilisé dans un espace dont l’État est propriétaire ou locataire.

http://www.gnu.org/philosophy/gover...

Librement,
Charlie

7. Le samedi 12 janvier 2013, 10:20 par Jacques Bolo

Dire "la neutralité n'existe pas", c'est simplement psalmodier un mantra marxiste, époque stal. Et ça ne concerne pas la "neutralité du net".

8. Le samedi 12 janvier 2013, 11:39 par Lauro

Il me semble que cette discussion sur la "neutralité" du net rappelle, en plus technique et donc moins compréhensible, celle sur la lberté de la presse qui avait été incluse dans le programme du CNR,libeté dont il ne reste rien les puissances économiques l'ayant emporté.
Par ailleurs je ne crois pas que le terme "neutralité" soit si neutre que celà
Notre objectif, front de gauche, est de donner à tous, le savoir,la possibilité de contribuer à une nouvelle étape de la civilisation

9. Le samedi 12 janvier 2013, 17:37 par Philippe-Charles Nestel

@ Jacques Bolo
Je viens de parcourir votre blog et lu quelques articles. Et ici en une seule phrase lapidaire vous venez admirablement de vous identifier à la catégorie des « grands-papas ronchons », dont parle Serres et dans laquelle vous rangiez un Autre sur votre blog.
Dans votre article "Point Godwin connaît pas !", vous énoncez à juste titre que "dans le pire des cas, le point Godwin est une stratégie défensive quand on gratte là où ça fait". Je ne peux qu'acquiescer, Vous dénoncez le cliché dans le cliché, y compris "la facilité habituelle, et la référence « aux heures les plus sombres de notre histoire » Mais que faîtes-vous là ? Si ce n'est vous livrer à ce que, sur votre blog, vous prétendez à longueur de pages, dénoncer ? Faîtes ce que je dis mais ne faîtes pas ce que je fais. N'est-ce pas ?

Balancer un oukaze en guise de stratégie défensive quand on gratte visiblement où cela vous fait mal, ne traduit-il pas un mode de pensée par induction, bâti sur l'évidence de l'évidence ou une chose est une chose, et la neutralité du réseau c'est la neutralité du réseau ?

Pour autant, ce qui me fait réagir c'est que je trouve votre mantra infâme en ce qu'il chosifie le discours d'autrui, vise la personne, et blesse en guise d'arguments. Là encore vous vous livrez à ce que vous prétendez dénoncer, car "un mantra, c'est une formule condensée formée d'une ou d'une série de syllabes répétées de nombreuses fois suivant un certain rythme" (définition de wikipédia). Et le qualificatif de marxiste stalinien pour discréditer une pensée ouverte, en guise de seul argument peut être également qualifier de mantra..
A votre manière vous venez d'accorder aux propos qui vous dérangent un point Godwin.

Pour ce qui concerne Laurent Chemla, tous les combats qu'il a menés depuis sa plus tendre adolescence s'inscrivent dans la perspective de la neutralité du réseau, du partage des connaissances avec autrui, du logiciel libre et de la liberté de communication, rendue possible par Internet.
Réduire un discours qui ouvre toujours une porte à l'introspection à une mantra marxiste tendance stalinienne, est dégueulasse !

Je me souviens pèle mêle de l'AUI, première association d'utilisateurs d'Internet que Laurent avait fondé et dont l'un des chevaux de bataille était "la neutralité du tiers technique" (notamment à l'occasion des procès qui frappaient Valentin Lacambre) sans occulter pour autant l'existence des groupes d'activistes néo-nazis, antisémites, pédophiles, etc.
Laurent fut, à ma connaissance, le premier en France, à poser la question de la localisation des serveurs DNS racine qui étaient exclusivement basés aux Etats-Unis quand François Fillon était ministre des postes et des télécommunications et ne s'intéressait qu'au Minitel. Si mes souvenirs sont bons, c'était même avant la création de l'ICANN, société de droit californien.

Je me souviens aussi de l'assignation en justice de la société Danone par Laurent Chemla et Valentin Lacambre, co-fondateurs de gandi. Cette multinationale avait fait une telle pression qu'un registrar Internet situé dans le sud de la France et président de l’association des registrars européens avait pris la décision de suspendre le nom de domaine "je boycotte Dannone .com" alors que Gandi avait refusé de céder à la pression pour le site "je boycotte Danone.net" et mis en avant la neutralité du registrar Internet. Ce fut David contre Goliath et pourtant la justice donna raison à Gandi Gandi : Danone fut condamné à ses dépends et à verser 8 000 francs au registrar Internet.

Je me souviens également qu'à l'occasion du plan IPT, en marge du débat sur le neutralité du réseau, Laurent avait écrit un petit programme qui permettait de transformer les MO5 du plan IPT en micro-serveur Minitel RTC, pour chaque école de France et de Navarre. A l'époque l'éducation nationale ne recommandait que les logiciels de la société Metavideotex qui coûtaient des milliers de francs, interdisant par là-même une démocratisation de l'accès des écoles aux réseaux. Laurent venait dans ma salle de classe d'un collège de Saint-Denis pour donner des cours aux élèves qui apprenaient plus vite que moi à programmer Imperatel, le fameux logiciel.
Une quinzaine d'années plus tard, l'un des bambins qu'il avait ouvert à l'art de la programmation présentait sa maîtrise d'informatique : un compilateur Prolog pour le système d'exploitation Plan9. Sa maîtrise était dédiée à Laurent, et dans la salle Laurent pleurait.
Et je ne parle même pas de l'Ecole ouverte de l'Internet, ni de Brainstorm qui avec Remcomp de François Vigneron, sans oublier IdealX de Patrick Sinz qui furent les premières entreprises en France à développer un modèle économique basé sur les logiciels et les licences libres.

Alors, il faudrait que vous ouvriez votre coeur et votre esprit pour aller au-delà des apparences.

Sur le plan stricto sensu il est bien évident que la neutralité du net telle que la définit par exemple Benjamin Bayart est obligatoirement neutre et équivalente à la neutralité de toute logique formelle. Et de ce point de vue, lorsqu'il déclare que Free n'a pas violé la neutralité du net en ce que le filtrage n'est pas fait par le réseau, mais par un équipement de périphérie, il ne fait qu'appliquer à la lettre, sans porter de valeur de jugement moral, ces principes. Stéphane Bortzmeyer et d'autres ont eu beau démontrer que l'on avait ici affaire à des DNS menteurs, ne change rien à l'affaire.
Si la FSF France avait considéré que la Freebox faisait partie du réseau Free, alors elle n'aurait pu assigner Free pour contrefaçon et viol de la GPL, en qu'il ne serait pas s'agit là d'une distribution.
Dans les deux cas, le raisonnement formel est le même.

Pour autant, les citoyens ne vivent pas dans la logique formelle, mais dans un monde réel et incarné. hors du contexte énoncé plus haut, la neutralité du net interfère avec des enjeux commerciaux, politiques, Elle devient alors plus complexe et nécessite de prendre en considération différents aspects.

La dissymétrie entre les puissants et les citoyens n'est pas réductible à la seule dissymétrie de protocoles. Par des rapports de forces technologiques et économiques, les grandes puissances économiques, même quand elles utilisent comme le souligne Vincent Cerf des protocoles symétriques produisent néanmoins de la dissymétrie de fait. Olivier Auber et d'autres le démontrent très bien.

Le débat sur la neutralité du net, et une loi que j'appelle de mes voeux doit ouvrir un débat plus vaste sur l'accompagnement de la révolution numérique, dans une perspective favorable au bien public et aux libertés de tous, pas seulement celle des acteurs économiques.

Librement,
Charlie